Dirigeant du Groenland depuis 2021, Mute Egede veut sortir le territoire autonome du giron danois, mais il refuse également de céder aux pressions de Donald Trump. Le président américain considère pourtant le Groenland comme un territoire crucial pour la sécurité et pour les intérêts américains, et n’a pas exclu de recourir à la force pour s’en emparer. « Nous ne voulons pas être Danois, nous ne voulons pas être Américains, nous voulons être Groenlandais et c’est bien sûr notre peuple qui décidera lui-même de son avenir » : voilà par quels mots le Premier ministre du Groenland a réagi, ce lundi 13 janvier, aux déclarations fracassantes de Donald Trump. Pas question pour le jeune dirigeant du territoire autonome de se laisser impressionner par le milliardaire américain… alors que celui-ci s’apprête à revenir à la Maison Blanche.Issu d’une famille de pêcheurs, Mute Egede a repris l’entreprise de son père avant de se lancer en politique… et sa carrière a été pour le moins foudroyante puisqu’il a remporté les élections en 2021 à l’âge de 34 ans. Une victoire qu’il a remportée en promettant, notamment, de stopper un projet de mine d’uranium dans le sud du Groenland. « Le projet était en cours de planification depuis une bonne dizaine d'années, mais comme il s'inquiétait des conséquences pour l’environnement, il a pris la décision d'y mettre fin, pointe Marc Lanteigne, spécialiste de l’Arctique à l’Université de Tromsö en Norvège. Mute Egede est favorable à l'exploitation minière, mais seulement dans des circonstances très contrôlées, et surtout, il ne veut pas que cette exploitation mette en danger l’écosystème du Groenland. »Une grande proximitéAvec son parti de gauche écologiste Inuit Ataqatigiit, Mute Egede a ainsi devancé les socialistes du parti Siumut qui ont gouverné le Groenland quasiment sans discontinuer durant les trente dernières années. Lunettes fines, barbe bien taillée et costumes impeccables, il joue la carte de la respectabilité tout en maintenant une certaine proximité avec ses électeurs. « Au Groenland, il y a une proximité très forte avec les politiciens et pour cause, puisqu’il y a 31 parlementaires pour 56 000 habitants », pointe Pia Bailleul, post-doctorante au Fonds Latour rattaché à Sciences-Po. « Mute Egede est donc très accessible, on peut le croiser faisant ses courses avec sa femme et ses enfants… Et il est jeune, ce qui crée un sentiment de proximité. Je ne dirais pas qu’il est charismatique, mais il est respecté. Il est considéré comme quelqu'un de sérieux qui défend les intérêts groenlandais. » Une indépendance… sur le long termeOutre leurs préoccupations environnementales, Inuit Ataqatigiit et Mute Egede ambitionnent de conduire le Groenland à l’indépendance, mais pas n’importe comment, et pas à n’importe quel rythme : il faut d’abord que le territoire puisse avoir les moyens financiers de cette indépendance. « À l'heure actuelle, environ la moitié du budget national est financé par un subside danois, et il faudrait s'en passer pour être totalement indépendant », remarque Pia Bailleul. « Et donc ce qu'ils proposent, c'est de développer l'industrie touristique et l'industrie minière, pour remplacer l'aide danoise. Mais il va falloir encore vingt ou trente ans de développement de ces industries pour que ce soit réaliste. Ils sont donc partisans d’une indépendance sur le long terme qui soit raisonnée. »À écouter dans Grand reportageGroenland : les enjeux politiques du changement climatiqueDéclarations tonitruantesUn rythme et une ambition qui pourraient cependant être bousculés par les déclarations tonitruantes de Donald Trump. Au Groenland, on reste encore sous le choc de ces propos de début d’année… même si le milliardaire américain avait déjà proposé en 2019 de racheter le Danemark.Pour l’instant, Mute Egede a répondu avec fermeté à ces déclarations – en écartant toute idée de passer sous contrôle américain… mais sans rejeter pour autant les opportunités d’une plus grande coopération avec les États-Unis. « Ce qu’il a expliqué, c'est que le Groenland se trouvait sur un point de tension entre la Russie et les USA, décrypte l’anthropologue Pia Bailleul. Mais il a aussi dit que c'était une place stratégique et qu'il allait essayer d’en tirer parti… Il veut que le Groenland tire son épingle du jeu sans se laisser faire. » Tout cela dans un contexte électoral particulier puisque des élections doivent avoir lieu au Groenland d’ici au mois d’avril. Mute Egede espère être reconduit à son poste, mais la campagne électorale sera forcément bousculée par les déclarations de Donald Trump et par le retour à la Maison Blanche d’un président américain qui estime impératif de s’approprier le Groenland.À lire aussiLe Groenland, terre de ...