Chronique de Jean-Baptiste Placca Podcast Por RFI arte de portada

Chronique de Jean-Baptiste Placca

Chronique de Jean-Baptiste Placca

De: RFI
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Jean-Baptiste Placca, chroniqueur au quotidien La Croix et fondateur de L’Autre Afrique livre sa vision sur l’actualité africaine de la semaine écoulée. Entre analyse, réflexion et mise en contexte, cette chronique est l’occasion de donner du sens et de prendre du recul sur les événements de la semaine, mais également de revenir sur des sujets parfois traités trop rapidement dans le flot d’une actualité intense.

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Política y Gobierno
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  • Côte d'Ivoire: par le chemin des écoliers
    Jun 28 2025
    Pendant que le sortant se donne le temps de décider, quatre des challengers, disqualifiés sur le terrain judiciaire, voudraient des mesures politiques, pour se porter candidats. Que restera-t-il de l’État de droit et de la démocratie, lorsque, pour satisfaire les uns et les autres, on aura fini, à coups de petits arrangements politiciens, de contourner la loi et les règles ? Retraite définitive ou candidature à sa propre succession ? Le chef de l’État ivoirien a promis à ses partisans une décision imminente. Mais certains n’y voient qu’un stratagème, pour briguer un quatrième mandat. Se peut-il qu’il hésite vraiment, parce qu’il peine à trouver le successeur parfait, soutenu par ses partisans et acceptable pour toute la Côte d’Ivoire ? Sur la légalité d’un éventuel quatrième mandat, plus personne ne débat, en Côte d’Ivoire. Surtout dans cet environnement d’Afrique francophone, où le nombre de mandats n’émeut plus guère, tellement les mandats à foison, les mandats sans fin et autres pouvoirs sans mandat sont à la mode. Observez donc l’indifférence générale dans laquelle Paul Biya pourrait, en octobre prochain, décrocher un huitième mandat, au Cameroun, à 92 ans ! Oui, Alassane Ouattara hésite, moins, certainement, par crainte d’être décrié, que parce qu’il n’a pas trouvé l’oiseau rare, pour rassembler son camp. Un piège, classique, l’obsession du successeur parfait ! Car il n’existe pas. Même prometteur sur papier, un bon dauphin peut se révéler décevant. Une fois en place, il peut même, pour s’affirmer, devenir hostile. João Lourenço, l’homme de confiance choisi en septembre 2017 par José Eduardo Dos Santos pour diriger l’Angola, s’est mis à traquer la progéniture de son « bienfaiteur » pour prévarication, emprisonnant certains, contraignant d’autres à l’exil. S’épuiser à vouloir installer un successeur sûr dans le fauteuil n’est peut-être pas indispensable, lorsque l’on a bien travaillé pour son pays, ce qui est manifestement le cas d’Alassane Ouattara, en Côte d’Ivoire. Ce peut même être contre-productif, comme l’a expérimenté Macky Sall, au Sénégal. À force de tergiversations, son camp a fini par tout perdre, avec un bon candidat, pourtant. N'est-il tout de même pas légitime, pour les partisans du président Ouattara, de vouloir conserver le pouvoir ? Certes. Mais il faut prendre garde à ce que le président ne devienne l’otage de tous. Certains savent qu’ils perdraient tout, si celui-ci venait à s’en aller. Leurs motivations personnelles sont parfois très égoïstes. De manière intéressée, chacun le voudrait au pouvoir jusqu’à la fin des temps. Ou jusqu'à ce que coma s'en suive. Comme s’il était en servage, pour tous. À ce stade d’un parcours riche et bien rempli, ce sujet d’élite, qui a eu une belle et brillante carrière avant le pouvoir politique ne devrait plus avoir, pour unique aspiration, que d’entrer définitivement dans l’Histoire. Pour cela, il lui faut commencer par sortir de la mêlée, et laisser son œuvre grandir, après lui. Sans lui. Peu importe si les continuateurs immédiats ne sont pas ses partisans d’aujourd’hui. Toute la nation, à terme, chantera ses louanges. Le plus bel exemple est Jerry Rawlings, du Ghana voisin. Aujourd’hui célébré, non pas pour avoir sécurisé le pouvoir pour sa formation politique, mais pour avoir eu le courage de faire confiance aux électeurs. En l’an 2000, il a cédé le pouvoir à son principal opposant, John Kufuor, car son propre vice-président avait été battu. Huit ans plus tard, Kufuor passera le flambeau à John Atta Mills, l’ancien vice-président en question. Depuis un quart de siècle, le Ghana conforte ainsi son image de démocratie irréversible, et Jerry Rawlings est devenu une référence continentale, pour avoir compris qu'une nation n’appartient ni à un parti politique ni à une région. Pour Alassane Ouattara, une telle place dans l’Histoire de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique serait bien plus valorisante – et plus durable – que la transmission, à tout prix, du flambeau à un des siens, qui pourrait le décevoir. Mais, en Côte d’Ivoire, certains candidats, disqualifiés, estiment le jeu faussé… On s’attendait à les voir démontrer l’illégalité de leur disqualification, mais ils ne font que revendiquer des mesures politiques. Or, tous ne sont pas disqualifiés pour les mêmes raisons. Il va donc peut-être falloir, pour réhabiliter chacun, contourner des décisions de justice, des dispositions du code électoral, ou même la Constitution. Lorsque l’on aura fini tous ces petits arrangements politiciens, que restera-t-il de l’État de droit et de la démocratie ? Le leadership clairvoyant dont rêvent les peuples africains est incompatible avec une certaine légèreté, l’improvisation et les maladresses rédhibitoires.
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    5 m
  • Ce beau et juteux métier!
    Jun 21 2025

    156 millions de dollars imputés à Matata Ponyo, condamné à dix ans de prison, en mai dernier ; 50 millions, pour Vital Kamerhe, condamné en 2020, puis acquitté en 2022 ; 19 millions, aujourd’hui, qu’est présumé avoir détournés Constant Mutamba… En RDC, le peuple vivote en francs congolais, et l’élite détourne et s’engraisse en dizaines, sinon en centaines de millions de dollars. Faites de la politique ! Vous deviendrez riches !

    Indexé pour avoir détourné 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison, le Garde des Sceaux de la RDC a dû démissionner. Privé, par l’Assemblée nationale, du dernier verrou qui le protégeait, Constant Mutamba est désormais passible de poursuites. N’est-ce pas, là, un triomphe de l’État de droit ?

    Il faudra sans doute attendre encore un peu, pour crier victoire, dans cet environnement où les politiques, pour échapper à la justice, débordent de manigances et de subterfuges. Parce que le courage d’une démission est plutôt rare sous ces latitudes, la décision du ministre, en soi, est une excellente nouvelle. Les politiciens ont une fâcheuse tendance à se cramponner aux postes et aux privilèges, même lorsqu’ils ont atteint leurs limites, ou qu’ils ont simplement échoué. Même compromis ou discrédités, ils n’aiment pas céder la place à plus valeureux qu’eux. Et cette propension à se croire propriétaires, à tout jamais, des fonctions qui leur sont confiées, pèse de son poids mort dans la difficulté, pour l’Afrique, à avancer, à se développer.

    Certes, Constant Mutamba aurait pu prendre les devants, sans attendre d’être désavoué par l’Assemblée nationale. Il aurait ainsi préservé sa dignité, plutôt que de s’épuiser à quémander une bouée de sauvetage du chef de l’Etat, à coups de serments d’allégeance et de pathétiques assurances de loyauté. On imagine qu’il doit beaucoup à Félix Tshisekedi, qui lui a octroyé, à 36 ans, un portefeuille d’importance, la Justice, avec un rang de ministre d’État que ne justifiait certainement pas son score de 0,20 % des voix à la dernière présidentielle.

    N’est-il pas plutôt flamboyant, le bilan qu’il dresse de l’année qu’il vient de passer au ministère de la Justice ?

    Il semble tellement flamboyant, que l’on se demande si Constant Mutamba a effectivement réalisé tout ce qu’il décrit. Il lui fallait être un pur génie, pour réussir, en tout juste treize mois, à transformer le champ de ruines du système judiciaire congolais en un tableau si idyllique. À moins que, dans son esprit, les grandes ambitions qu’il disait nourrir pour la Justice soient, d’office, considérées comme des projets aboutis, dès lors qu’il en a rêvé. C’est un tout aussi authentique exploit que d’être parvenu, en si peu de temps, à brouiller les traces de 19 millions de dollars. Certes, en matière de détournement de deniers publics, la RDC nous a habitués à une certaine démesure. Et la petite poignée qui finit parfois devant la justice est rarement faite de… gagne-petit.

    À qui donc pensez-vous ?

    Il y a tout juste un mois, l’ancien Premier ministre Matata Ponyo était condamné, avec quelques comparses, à dix ans de prison, pour un détournement… de 156 millions de dollars ! La plus grande frustration des Congolais découle de ce que cet ancien Premier ministre, en quatre ans de saga judiciaire, ne s’est pratiquement jamais expliqué sur le fond. Plutôt que de convaincre ses concitoyens de sa probité, il préférait disqualifier les juridictions saisies dans son affaire.

    Vital Kamerhe, aujourd’hui quatrième personnage de l’État, a écopé de 20 ans de prison, en 2020, pour un détournement de quelque 50 millions de dollars. Après une généreuse réduction de la peine, cette affaire a donné lieu, en appel, à un spectaculaire acquittement. Que d’aucuns avaient qualifié de politique, alors que se nouaient, en 2022, les alliances en vue de la présidentielle de 2023.

    Ajoutés aux 19 millions imputés à Constant Mutamba, cela fait 225 millions de dollars, pour seulement trois figures politiques. En RDC, le peuple vivote en franc congolais, tandis que l’élite politique s’engraisse, en centaines de millions de dollars. Les populations y meurent par milliers, sur les voies fluviales, les lignes de chemin de fer, les routes et pistes du pays. Elles crèvent autant dans les dispensaires et hôpitaux mal équipés. C’est ici que l’on se met à rêver du nombre de milliers de Congolais qui échapperaient à une mort certaine, si ces montants faramineux, plutôt que d’atterrir dans les poches de politiciens indélicats, parvenaient au Trésor public !

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    4 m
  • Togo: vingt ans, et après ?
    Jun 14 2025
    En Afrique de l’Ouest, hormis les régimes putschistes, il était un des rares à refuser la limitation (à deux) des mandats présidentiels. Pour continuer à diriger indéfiniment, sans passer pour le mouton noir du groupe, il a opéré un réaménagement cosmétique de la Constitution. À présent, ses adversaires attaquent ses résultats. Sous prétexte qu’il a échoué sur tous les plans, Faure Gnassingbé a été, ce 12 juin, sommé de démissionner, par l’opposition et la société civile. Cette injonction a-t-elle quelque chance d’être entendue par le dirigeant togolais ? Ce serait un miracle. Mais, comment reprocher à un peuple qui ne croit plus au pouvoir du bulletin de vote d’espérer un signe du ciel ? De la possibilité d’éconduire Faure Gnassingbé par les urnes, les Togolais, depuis longtemps, ont fait leur deuil. Il ne sait pas perdre ! Après tout, la réforme constitutionnelle contre laquelle protestaient les jeunes arrêtés la semaine dernière visait à perpétuer son bail aux commandes du Togo, en s’épargnant les accusations de mandats sans nombre. Ce serait véritablement un miracle, si, après toutes ces contorsions, il démissionnait, à la suite d’une simple injonction d'opposant. Tout comme il serait illusoire d’espérer le voir abandonner, par fierté, à cause de l’allusion à son bilan peu glorieux. À lire aussiTogo: «Le président doit démissionner», exigent opposition et société civile Manque de légitimité, carences de la gouvernance, échec sur le plan économique, incapacité à offrir un modèle exemplaire aux jeunes générations… Le tableau dépeint par le professeur David Dosseh pour exiger sa démission est accablant. S’accrocher au pouvoir avec un tel bilan, corroboré, en plus, par certains membres de son propre camp, relève des motivations impénétrables. Il faut du courage, beaucoup de courage, pour renoncer au pouvoir. Peut-être croit-il que les opposants sont juste de mauvaise foi, et que ses anciens partisans sont aigris… Au-delà des opposants et des déçus de son propre camp, Faure Gnassingbé a un problème plus grave, qui est sous les yeux de tous : les performances plutôt étincelantes des pays voisins. Oublions le Burkina Faso, qui a ses problèmes, en plus d’être un pays enclavé, tributaire des États côtiers pour ses exportations et importations. À l’est, le Bénin, sur qui le Togo avait, dans les années 70 et 80, une avance certaine, accrue par les ravages de la Révolution marxiste, sous Mathieu Kérékou. Même les lycéens et collégiens béninois préféraient, à l’époque, aller terminer leurs études secondaires au Togo ou même plus loin. Après la Conférence nationale de 1990, le pays s’est relevé, progressivement. Mais, ces neuf dernières années, le Bénin s’est construit avec méthode, dans une modernité qui s’étend à tout le territoire national, pas seulement à Cotonou et à Porto-Novo. D’aucuns évaluent, aujourd’hui, à un bon quart de siècle le retard qu’accuse le Togo par rapport au Bénin. Qui a, lui aussi, ses problèmes politiques. Mais, même ses plus féroces détracteurs reconnaissent à Patrice Talon d’œuvrer au mieux-être du Bénin et des Béninois. Rien à voir avec ce qu’une ancienne ministre des Armées, membre du clan au pouvoir à Lomé, qualifie de petits projets aux objectifs inavouables, vantés par une propagande dont l’unique finalité est la conservation de pouvoir. À l’ouest du Togo, le Ghana, on l’a souvent dit ici, rayonne plutôt. Est-ce bien cela ? Plus que jamais ! Un diplomate angolais, devenu ensuite ministre, raconte que dans les années 80, en poste à Accra, ils allaient, en fin de semaine, faire leurs courses et se détendre à Lomé. Aujourd’hui, lorsqu’ils ont besoin de détente, les Togolais qui en ont les moyens vont en villégiature au Ghana. Qui a, lui aussi, ses problèmes, mais avance de manière irréversible. On pourrait même poursuivre le voyage un peu plus loin, à l’ouest du Ghana, avec la Côte d’Ivoire, qui continue de se construire et d’impressionner. Il se trouve que les Togolais visitent ces États voisins, et n’ont donc nullement besoin de mauvaise foi pour constater que leur Togo, dans ce voisinage, est d’une anormalité d’autant plus triste que Faure Gnassingbé, arrivé au pouvoir à moins de 40 ans, aurait dû brûler, plus que tous, d’envie de très bien faire. S’accrocher au pouvoir n’est tolérable que si on s’applique, au moins, à faire le bonheur de son peuple. Mais toute boulimie de longévité au pouvoir qui se nourrit du mépris de ceux dont on accapare ainsi le destin est, au regard de l’Histoire, doublement coupable.
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