Le sommet africain de l’énergie ouvre lundi 27 janvier à Dar es Salaam. Organisé par le gouvernement de la République unie de Tanzanie et l’Union africaine, le sommet a pour objectif d’accélérer l’accès à l’électricité pour 300 millions de personnes en Afrique d’ici 2030 et de permettre au Continent de renforcer son industrialisation. Mais une question se pose : L’Afrique doit-elle abandonner l’exploitation de ses énergies fossiles, au nom de la transition énergétique ?
C’est une petite musique qui revient comme un refrain entêtant. Certains pays développés mettent de plus en plus la pression sur l'Afrique pour qu'elle laisse de côté ses ressources en énergies fossiles, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Le problème, c'est que dans le même temps, les États-Unis, les pays du Golfe ou encore la Norvège, pour ne citer qu’eux, continuent d’exploiter massivement pétrole et gaz. Il y a donc un côté 'faites ce que je dis, pas ce que je fais', qui n’est ni honnête, ni morale selon Sébastien Treyer, le directeur de l’Iddri, l'Institut du développement durable et des relations internationales : « Moralement, s'il y a bien des pays qui ont le droit de mettre en exploitation des ressources fossiles, ce serait plutôt les pays africains qui ont très peu contribué à l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère. Si on devait se partager le pétrole qu'on a encore le droit de produire, il serait logique que ce soit les pays africains qui aient le droit d'utiliser un peu de leur rente pétrolière et qu'on interdise aux pays qui ont beaucoup profité de la rente pétrolière de l'utiliser ».
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Fatih Birol, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie, disait récemment que l’Afrique, pour ses besoins domestiques, doit utiliser ses réserves de gaz. Et, il rappelait que si l’Afrique subsaharienne utilisait toutes ses réserves de gaz − ce qui est impossible −, sa part dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre passerait de 3 % à 3,5 %, ce qui reste marginal.
L’Afrique, eldorado des énergies renouvelablesGrâce à son incroyable potentiel, certains estiment que l’Afrique pourrait « sauter » l'ère des combustibles fossiles pour passer directement à celle des énergies renouvelables. C'est cependant oublier certaines difficultés à surmonter. Une étude sur la transition énergétique en Afrique, publiée l’année dernière par le Word ressources Institute pointait les nombreux obstacles, de financement, d’infrastructures et rappelait que dans certains domaines comme les transports ou la cuisine, l’électrification était encore loin d'être la norme.
Exploiter ses ressources fossiles pour financer sa transition énergétique.C’est ce que l'Afrique fait avec ses exportations. Mais attention à ne pas investir massivement dans des secteurs qui risquent de s’écrouler prévient Sébastien Treyer, directeur de l’Iddri: « Exploiter des énergies fossiles pour les vendre pour pouvoir en retour avoir du cash qui permet de financer les infrastructures pour le développement, des hôpitaux, des centrales photovoltaïques dans le pays, ce mécanisme marche, mais est-ce que le marché des énergies fossiles va être porteur et est-ce qu'on n'est pas en train de faire des investissements dans la production de pétrole, alors qu'en fait la demande en pétrole de la Chine va s'écrouler dans quelques années. Il y a donc une question de viabilité des investissements qui sont faits. Est-ce que c'est un bon investissement et est- ce qu'investir dans d'autres formes de production d'énergie ne serait pas plus important ». Il revient donc aux États africains de choisir leur trajectoire, pour l’industrialisation de leur pays.
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