• Quel a été l’impact du cyclone Chido sur la biodiversité marine?
    Jan 30 2025

    À Mayotte, un peu plus de six semaines après le passage du cyclone qui a fait au moins quarante morts et ravagé l’ensemble de l’archipel, les agents du Parc naturel marin de Mayotte effectuent les premières plongées sous-marines pour évaluer les dégâts dans l’un des plus grands et des plus rares lagons fermés du monde.

    Mayotte est entouré d’un double récif corallien, avec un récif barrière qui ferme quasiment le lagon et un deuxième récif dit frangeant, c’est-à-dire relié à la terre dans des eaux peu profondes. D’après Météo France, lors du passage du cyclone, les vagues mesuraient neuf mètres avant de franchir le récif barrière. Elles ne faisaient plus que quatre à cinq mètres une fois ce dernier franchi. Puis le récif frangeant a lui aussi atténué l’ampleur des vagues et enfin la mangrove a joué son rôle de protection de la Côte. Selon les spécialistes, les dégâts sur terre auraient été plus dévastateurs sans ces deux écosystèmes.

    Les récifs ont subi de plein fouet l’impact du cyclone Chido

    Les récifs de la partie Est de l'île, celle par où le cyclone est arrivé, ont été particulièrement touchés. Mais il y a eu un facteur aggravant. En 2024, Mayotte a subi les effets du phénomène climatique El Nino. Avec le réchauffement de l’océan et son acidification, le récif corallien a subi un épisode de blanchissement qui l’a fortement fragilisé. Yoan Doucet est le chef de service ingénierie du Parc Naturel Marin de Mayotte: « En mettant une première fois la tête sous l'eau, on a des zones qui sont particulièrement bien préservée et d'autres où il n'y a plus rien alors qu'avant il y avait une richesse, une biodiversité assez importante. Et sur le phénomène El Nino de l'année dernière, on avait pu mesurer juste avant l'arrivée du cyclone, l'impact du blanchissement corallien dû à cet effet et on avait estimé une mortalité moyenne de 35% des coraux qui étaient présents, mais aussi la fragilisation d'un bon nombre d'entre eux. Il est donc possible que derrière, avec le passage du cyclone Chido, des récifs qui étaient déjà fragilisés n'aient pas pu résister à l'impact de Chido ».

    Certains lieux sous-marins iconiques de Mayotte ont été durement éprouvés, comme le Tombant des Aviateurs, ou « l'extérieur de la Passe en S ». Côté faune, les espèces mobiles comme les poissons, les mammifères, et les cinq espèces de tortues que compte le lagon, ont pu se mettre à l'abri. En revanche précise Yoan Doucet, elles ont perdu leur habitat. Cet écrin de biodiversité qu’est Mayotte a donc payé un lourd tribut lors du passage de Chido.

    Des décennies, pour reconstituer ce milieu marin

    Reconstituer ce milieu est essentiel pour les spécialistes et pour plusieurs raisons : reconstituer la barrière protectrice, protéger la biodiversité et ainsi les ressources alimentaires et économiques. Pour cela il faudra la collaboration de l’ensemble de la population pour protéger le lagon des menaces qui pèsent sur lui en temps normal, comme l’envasement provoqué par l’agriculture et les constructions, le braconnage et la gestion des déchets. Un appel aux citoyens pour voir revivre un trésor mondial de biodiversité.

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  • Pourquoi préserver les vieux animaux?
    Jan 29 2025

    Pendant longtemps, nous les avons négligé, pensant que l’âge avançant, ils contribuaient moins au bien-être et à la survie du groupe auxquels ils appartiennent. Mais une étude parue récemment dans la revue « Science » apporte un regard nouveau sur le rôle crucial de ces vieux animaux pour la biodiversité. Pour les auteurs de l’étude, cette catégorie d’âge est menacée et a besoin de protections particulières.

    Les vieux animaux sont plus menacés que les jeunes, d'après cette étude. Au départ, il s’agit d’une intuition de chercheurs qui étudient différentes espèces animales. Et grâce à la compilation d’innombrables travaux de recherche, ils remarquent que les classes d’âge les plus élevées d’un très grand nombre de populations animales ont décliné ou été éliminées sous l’effet des activités humaines.

    Ces animaux âgés sont souvent les plus gros. C’est vrai, chez les poissons, qui grandissent toute leur vie, leur taille a diminué en raison de la surpêche. Mais c’est également vrai pour les animaux terrestres, les plus gros et donc les plus âgés sont chassés en priorité, pour se nourrir ou pour le prestige. Les amateurs de chasse au trophée privilégient les animaux imposants pour faire une belle photo. Ceux qui chassent pour se nourrir également puisqu’il y a plus à manger sur un animal imposant. Tuer un bison ou un éléphant permet de se nourrir pendant des semaines et demande moins d’effort par calorie que de courser un lapin. C’était déjà le cas du temps des chasseurs-cueilleurs, en témoigne les peintures rupestres dans les grottes qui représentent toujours des animaux imposants, chevaux, mammouth, mais jamais les petits.

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    Une remise en cause de la notion de sénescence

    La sénescence est un processus physiologique de dégradation des cellules. Pour schématiser, on pensait que plus un animal vieillit, plus ses cellules se dégradent. Or les chercheurs ont montré que sénescence et vieillissement ne sont pas synonymes. Chez les poissons par exemple, il y a bien vieillissement, mais peu de sénescence. Leur fertilité accroit même avec leur poids et donc avec leur âge puisqu’ils grossissent toute leur vie. En pêchant principalement des gros poissons, on se prive des animaux les plus fertiles et donc de tout un patrimoine génétique important. Et aujourd’hui, les poissons sont affaiblis sur le plan reproducteur.

    Les vieux individus jouent un rôle essentiel pour la survie de leur espèce

    Les chercheurs parlent de sagesse de ces vieux individus. Une des scientifiques qui a participé à cette étude étudie les éléphants dans un parc kényan. Elle a montré que le leadership dans un groupe d’éléphants est toujours assuré par de vieilles matriarches. Elles ont des connaissances et une expérience sociale qui profite à l’ensemble du groupe. Elles connaissent leur territoire, les points d’eau, les dangers. Elles enseignent aux petits à se protéger des prédateurs. Elles parviennent à régler les conflits entre éléphants, bref, elles ont un rôle fondamental. Et puis, grâce à elles, les éléphants parcourent de grandes distances puisqu'elles connaissent leur territoire. Et ce faisant, elles participent à la dissémination des graines des végétaux sur de grandes distances et permettent donc la régénération de cette biodiversité. Pour tous ces services rendus, les chercheurs estiment que la longévité des animaux devrait être une composante de la biodiversité qu’il faut absolument défendre.

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  • Faut-il fertiliser les forêts ?
    Jan 28 2025
    Fertiliser les forêts pour accélérer leur croissance et ainsi augmenter leur capacité d’absorption du CO2, c’est l’idée envisagée en Suède pour faire face à la diminution de ces capacités observées dans de nombreuses forêts européennes. La politique menée en Suède a entrainé une hausse des émissions de gaz à effet de serre, qui contraint le pays à séquestrer davantage de carbone pour compenser. Mais est-ce une bonne solution ? Selon les statistiques de l’Agence suédoise de protection de l’environnement, les forêts suédoises ont absorbé 31 millions de tonnes de CO2 en 2023 alors que la moyenne était de 52 millions de tonnes annuelles, dix ans auparavant. Et les causes de cette baisse sont connues et identifiées selon Alain Karsenty, spécialiste des forêts au Cirad : « Les forêts sont des puits de carbone tant qu'elles sont en croissance. Et pour que leur croissance soit importante, il faut qu'elles aient de l'eau et un certain nombre de conditions. Ce qui se passe en Suède, comme en France, c'est qu'il y a eu des sécheresses, donc les forêts poussent moins vite et elles absorbent moins. Il y a eu des attaques de pathogènes, des scolytes, qui sont des insectes ravageurs, dans toute l'Europe du Nord, ce qui signifie qu'il y a eu une mortalité accrue des arbres. En raison de cette mortalité, les arbres n'absorbent plus, donc le stock de carbone diminue, il y a moins de couvert forestier et donc moins d'absorption ».À lire aussiLa forêt de demain face au réchauffement climatiqueAutre explication, la Suède pratique une sylviculture intensive. Ces dernières années, la quantité d’arbres abattus dans le pays, a atteint des records, favorisée par la hausse du prix du bois. Mais les coupes rases réalisées diminuent également les capacités d’absorption de la forêt. Malgré les critiques des scientifiques et des ONG environnementales, la majorité au pouvoir n’entend pas changer de modèle d’exploitation de sa forêt. Elle mise donc sur leur fertilisation.Fertiliser les forêts : une solution pérenne ?Sur le court terme, la fertilisation peut effectivement augmenter les dispositions d’absorption de la forêt. Mais sur le long terme, c'est une catastrophe, selon Alain Karsenty : « Fertiliser les arbres, cela veut dire, d'une certaine manière, les rendre paresseux. Cela veut dire qu'ils auront beaucoup moins besoin de développer en profondeur leur système racinaire pour aller chercher les nutriments indispensables à leur croissance. Donc, ils vont se développer par le haut et beaucoup moins au niveau des racines. Du coup, ces arbres seront beaucoup moins équipés pour résister aux sécheresses. Cela signifie que cette idée que l'on peut se passer de réduire les émissions dans le secteur industriel ou des transports, en comptant sur les forêts, est une idée qui n'est pas viable. C'est cela la principale leçon qu'il faut retenir ».Fertiliser les forêts les rend moins résilientes au changement climatique.Les phénomènes climatiques extrêmes, comme les sécheresses, vont être de plus en plus fréquents, et cela risque de fragiliser davantage les forêts. Miser sur le pouvoir d’absorption des arbres sans s’attaquer aux causes du réchauffement climatique dans l’industrie et les transports est donc aberrant et contreproductif. Une forêt victime de sécheresse, de maladies ou de surexploitation, en raison des activités humaines, peut devenir une source d’émission nette de gaz à effet de serre, soit l’exact opposé de ce qui est recherché par la Suède.À lire aussiLes forêts sont en péril, leur capacité à absorber le CO2 aussi
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  • L’Afrique doit-elle abandonner l’exploitation de ses énergies fossiles?
    Jan 27 2025

    Le sommet africain de l’énergie ouvre lundi 27 janvier à Dar es Salaam. Organisé par le gouvernement de la République unie de Tanzanie et l’Union africaine, le sommet a pour objectif d’accélérer l’accès à l’électricité pour 300 millions de personnes en Afrique d’ici 2030 et de permettre au Continent de renforcer son industrialisation. Mais une question se pose : L’Afrique doit-elle abandonner l’exploitation de ses énergies fossiles, au nom de la transition énergétique ?

    C’est une petite musique qui revient comme un refrain entêtant. Certains pays développés mettent de plus en plus la pression sur l'Afrique pour qu'elle laisse de côté ses ressources en énergies fossiles, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Le problème, c'est que dans le même temps, les États-Unis, les pays du Golfe ou encore la Norvège, pour ne citer qu’eux, continuent d’exploiter massivement pétrole et gaz. Il y a donc un côté 'faites ce que je dis, pas ce que je fais', qui n’est ni honnête, ni morale selon Sébastien Treyer, le directeur de l’Iddri, l'Institut du développement durable et des relations internationales : « Moralement, s'il y a bien des pays qui ont le droit de mettre en exploitation des ressources fossiles, ce serait plutôt les pays africains qui ont très peu contribué à l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère. Si on devait se partager le pétrole qu'on a encore le droit de produire, il serait logique que ce soit les pays africains qui aient le droit d'utiliser un peu de leur rente pétrolière et qu'on interdise aux pays qui ont beaucoup profité de la rente pétrolière de l'utiliser ».

    À lire aussiLe Sénégal et la Mauritanie deviennent producteurs de gaz

    Fatih Birol, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie, disait récemment que l’Afrique, pour ses besoins domestiques, doit utiliser ses réserves de gaz. Et, il rappelait que si l’Afrique subsaharienne utilisait toutes ses réserves de gaz − ce qui est impossible −, sa part dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre passerait de 3 % à 3,5 %, ce qui reste marginal.

    L’Afrique, eldorado des énergies renouvelables

    Grâce à son incroyable potentiel, certains estiment que l’Afrique pourrait « sauter » l'ère des combustibles fossiles pour passer directement à celle des énergies renouvelables. C'est cependant oublier certaines difficultés à surmonter. Une étude sur la transition énergétique en Afrique, publiée l’année dernière par le Word ressources Institute pointait les nombreux obstacles, de financement, d’infrastructures et rappelait que dans certains domaines comme les transports ou la cuisine, l’électrification était encore loin d'être la norme.

    Exploiter ses ressources fossiles pour financer sa transition énergétique.

    C’est ce que l'Afrique fait avec ses exportations. Mais attention à ne pas investir massivement dans des secteurs qui risquent de s’écrouler prévient Sébastien Treyer, directeur de l’Iddri: « Exploiter des énergies fossiles pour les vendre pour pouvoir en retour avoir du cash qui permet de financer les infrastructures pour le développement, des hôpitaux, des centrales photovoltaïques dans le pays, ce mécanisme marche, mais est-ce que le marché des énergies fossiles va être porteur et est-ce qu'on n'est pas en train de faire des investissements dans la production de pétrole, alors qu'en fait la demande en pétrole de la Chine va s'écrouler dans quelques années. Il y a donc une question de viabilité des investissements qui sont faits. Est-ce que c'est un bon investissement et est- ce qu'investir dans d'autres formes de production d'énergie ne serait pas plus important ». Il revient donc aux États africains de choisir leur trajectoire, pour l’industrialisation de leur pays.

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  • Protecteurs de la nature en Afrique, les «rangers» brisent le tabou de leur santé mentale
    Jan 23 2025
    Alors que le monde veut protéger 30% des terres et des mers d’ici 2030 afin d’enrayer la destruction de la nature par les activités humaines, Questions d'environnement s'arrête ce jeudi sur la situation de celles et ceux qui protègent cette biodiversité sur le terrain en Afrique. Les gardes des parcs et réserves du continent affrontent de multiples dangers et cela affecte leur santé mentale. Ils sont plus nombreux à parler de leurs difficultés psychologiques. C’est sans doute un tabou qui se brise. À mesure que les politiques environnementales se renforcent, leur métier va devoir s’étendre. Les gardes qui protègent la nature en Afrique alertent donc sur le manque d'accompagnement psychologique dont ils souffrent face aux situations de stress extrême qu'ils ont à vivre.À quels dangers font-ils face ? À celui de perdre la vie d'abord. Des groupes armés de toutes sortes – rebelles, jihadistes mais aussi braconniers ou mineurs illégaux - sont présents dans de nombreux parcs du continent. Alain Mukiranya est ranger dans le parc de la Maïko et il a longtemps travaillé dans celui des Virungas, deux aires protégées dans l’est de la RDC: « le métier de garde nature dans une zone en conflit c'est être en permanence sur la ligne de front parce qu'à tout moment cela peut crépiter, à tout moment on peut vous attaquer. Ça met les gardes dans une situation de crainte, une situation où on est prêt à s'affronter, à mourir, à tuer, à se défendre... »À lire aussiParc national W: «Les jihadistes ont transformé la région en quartier général»Débriefer les événements traumatisantsCes longs jours de marche en milieu hostile, toujours sur le qui-vive, tapent sur le moral des troupes. Et quand l'un des coéquipiers est atteint par les tirs d'un braconnier ou blessé par un animal sauvage, c'est très difficile à vivre.« Quand tu vois ton ami, ton collègue être tué devant toi, ça va créer en toi une forme de revanche... ça impacte le travail, et même la façon d'être et la santé des gardes », confie Alain Mukiranya à RFI. D'après la Thin Green Line Foundation, qui soutient les familles de rangers tués, un garde nature meurt tous les trois jours dans le monde. Pour beaucoup en Afrique ou en Asie.Que se passe-t-il alors pour les collègues de ces gardes morts sur le terrain ? Marqués psychologiquement par ce qu'ils ont vécu, ils sont la plupart du temps renvoyés chez eux se reposer quelques jours, mais c’est tout. Leurs émotions, leur stress post-traumatique, ne sont pas traités. Résultat : certains perdent pied. Angoisse, cauchemars... Certains réagissent mal sur le terrain ensuite, sombrent dans l’alcool, se mettent à consommer des drogues voire se suicident.Pour stopper ces descentes aux enfers, les rangers africains demandent à être formés pas seulement physiquement, mais aussi psychologiquement à leur travail, et souhaitent à être accompagnés par des professionnels en cas de situation violente.Supporter la défiance des siensIl n’y a pas que cela qui pèse sur leur moral des gardes nature. L’isolement pendant de longues semaines parfois de longs mois, dans des conditions spartiates, en forêt par exemple, est difficile, tout comme le rejet qu'ils subissent de la part de leurs propres communautés. Les braconniers qu’ils arrêtent par exemple, ce sont souvent des habitants de leurs villages, explique Esther N’Dapanda N’Ghiunya, éco-garde dans le parc d'Etosha en Namibie. « Je dois oublier d’où je viens, pour m’assurer que la vie sauvage est protégée. C’est ok, c’est mon boulot. Mais à la fin de la journée, comment je gère le fait d’avoir arrêté l’un des miens ? Je vais finir négligée par ma propre famille, vue comme quelqu’un en qui on ne peut pas avoir confiance. Je deviens une méchante aux yeux de ma propre communauté ». Des moyens sont donc aussi nécessaires pour soutenir le travail de sensibilisation à la nature que réalisent les rangers auprès des populations locales.À lire aussiÉthiopie: Fetiya Ousman, une ranger au service des éléphants et de la population
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  • Le Botswana, un exemple à suivre pour le continent africain?
    Jan 22 2025

    Quelle stratégie pour l'Afrique face au changement climatique ? C'est la question que nous posons, alors que les pays signataires de l'accord de Paris doivent publier cette année, avant la COP30 au Brésil, leurs nouveaux plans nationaux pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et organiser leur adaptation au réchauffement planétaire. Le Botswana a publié son nouveau plan climatique peu avant Noël. Et il a été applaudi par les pays voisins...

    Un plan applaudi parce qu'il reflète les défis auxquels fait face tout le continent : les pays africains émettent très peu de gaz à effet de serre mais sont frappés par des impacts climatiques de plus en plus extrêmes. Pourtant durant les négociations internationales lors des COP climat, leurs demandes de financement pour une transition juste ont du mal à se concrétiser.

    À quelles difficultés le Botswana se heurte-t-il ?

    Ce pays d'Afrique austral, situé dans une région semi-aride, ne représente que 0,019% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais il subit de plein fouet les effets du changement climatique. Le Botswana est en proie à des vagues de chaleur dangereuses, avec des températures qui dépassent souvent les 40 degrés. Des sécheresses persistantes mettent à genoux l'agriculture et l'élevage et fragilisent ses écosystèmes, uniques au monde, comme le delta de l'Okavango et le désert du Kalahari. Les inondations mortelles causées par des cyclones tropicaux détruisent les infrastructures et en hiver, les tempêtes de grêle anéantissent les récoltes.

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    Une fois ce constat fait, que prévoit le plan climat du gouvernement botswanais ?

    Il prévoit « de diriger les ressources financières limitées disponibles en priorité vers les mesures d'adaptation ». C'est inédit : jamais encore, depuis la signature de l'accord de Paris il y a dix ans, un pays n'avait adopté une telle stratégie. Pour le gouvernement botswanais en tout cas il faut « réduire la vulnérabilité du pays plutôt que ses émissions de gaz à effet de serre déjà faibles ». D'ici 2030, le Botswana veut ainsi consacrer 2,1 milliards de dollars à l'adaptation et 0,9 milliard de dollars à la réduction de ses émissions.

    En quoi consistent les mesures d'adaptation prévues par le Botswana ?

    Il s'agit avant tout de rendre les écosystèmes, mais aussi l'agriculture et l'élevage plus résilients face au manque d'eau aigu. Cela va de l'installation de réservoirs d'eau sur les toits à l'introduction d'une nouvelle espèce de bovin, croisement entre une race venue du Texas et des bovins locaux, et qui peut survivre avec moins d'eau et moins de nourriture. Les autorités veulent également investir dans l'amélioration du système d'alerte précoce pour prévenir la population en cas de tempête et de risque d'inondations. En tout, le plan climatique du Botswana contient plus de 50 objectifs chiffrés d'adaptation. Un effort qui n'a pour l'instant pas d'équivalent. D'ici là, le pays laisse la porte grande ouverte aux financements internationaux : avec l'argent étranger l'État aimerait développer des projets de biogaz et d'énergie solaire.

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  • Quelle politique écologique durant le deuxième mandat de Donald Trump?
    Jan 20 2025
    Avec le retour au pouvoir de Donald Trump, les défenseurs du climat et de l'environnement s'inquiètent pour le changement climatique et donc l'avenir de la planète, parce que les Etats-Unis sont le deuxième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde. On a beaucoup dit que Donald Trump était un climatosceptique. Et si ce climatoscepticisme ne lui servait que de paravent pour sa véritable priorité, à savoir : accumuler pouvoir et profit ?Le 47ᵉ président américain considère en tout cas les engagements climatiques et les réglementations environnementales comme autant de freins au « Nouvel âge d'or » qu'il a promis à ses concitoyens. De retour à la Maison Blanche, l'un de ses premiers actes pourrait donc bien être de retirer de nouveau les États-Unis de l'accord de Paris de 2015 sur le climat et ainsi s'affranchir de l'objectif de ses signataires qui est de maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 2°C. Parce que Donald Trump, et surtout les grandes majors pétrolières et gazières qui ont largement financé la campagne pour sa réélection, veulent relancer l'exploitation du pétrole, du gaz et du charbon américains, des énergies fossiles, principales responsables du changement climatique.Dans la même veine, le président souhaite supprimer les aides fiscales pour les voitures électriques et les énergies renouvelables. Les réglementations environnementales seront abrogées et les fonds non encore dépensés de l’Inflation Reduction Act, la loi de Joe Biden pour lancer les États-Unis sur la voie de la transition écologique, seront supprimés. Des attaques contre la science et la raison en perspectiveSes opposants craignent que Donald Trump veuille écraser tout le mouvement pro-climat dans son pays, en commençant par réduire au silence les scientifiques et par démanteler les institutions fédérales en charge de la recherche sur le changement climatique, de la protection de l'environnement, des systèmes d'alerte et de la réponse aux catastrophes climatiques. La nouvelle administration Trump prévoit le renvoi de milliers de fonctionnaires. Et les nominations à des postes clés, comme celle de Chris Wright, patron d'une entreprise gazière, à la tête du ministère de l'Énergie, en disent long sur l'idéologie qui règnera au sein de la nouvelle administration.À lire aussiInvestiture de Donald Trump: beaucoup de craintes et d’interrogations pour le climatQuels garde-fous ?Donald Trump devrait avoir les coudées plus au moins franches au Congrès, où les républicains contrôlent les deux chambres. Une partie de la société civile commence, certes, à organiser la résistance écologique. Mais beaucoup de ces futurs combats devraient se jouer devant les tribunaux. Et la Cour suprême compte aujourd'hui six juges conservateurs contre trois progressistes.Les États Fédérés : un espoir pour la transition énergétique américaine ?L'espoir viendra peut-être des États fédérés. Ceux dirigés par les républicains ont été les principaux bénéficiaires de l'Inflation Reduction Act et ont connu un boom dans les énergies renouvelables, avec la création de milliers d'emplois bien rémunérés. Certains secteurs économiques américains aussi ne voudraient pas que les États-Unis deviennent la lanterne rouge de la transition énergétique mondiale avec des chaînes d'approvisionnement qui se construisent en Chine, en Inde ou au Brésil.À lire aussiÉtats-Unis: quel bilan économique de la présidence de Joe Biden?Toutefois, le départ des plus grandes banques et fonds d'investissements américains des principales alliances internationales pour la lutte contre le changement climatique — quelques jours seulement avant le retour de Donald Trump – n'est pas un signal encourageant. S'il reste encore beaucoup d'inconnus, les scientifiques s'attendent à ce que, après des années de baisse, les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis remontent.
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  • À dix mois de la COP30 au Brésil: dans quel état est la forêt amazonienne?
    Jan 15 2025
    Dans dix mois, le Brésil accueillera la COP30. Cette grande conférence des Nations unies sur le climat se tiendra en novembre à Belém, une ville en plein cœur de la forêt amazonienne. Cette forêt abrite près de 10% des espèces animales et végétales terrestres et joue un rôle essentiel pour la régulation du climat. Depuis son retour au pouvoir en janvier 2023, le président Lula da Silva fait de la préservation de la forêt tropicale une priorité. La lutte contre la coupe illégale des arbres a eu des résultats très encourageants : en 2024 la déforestation a atteint son plus bas niveau depuis une décennie. Mais là, où les arbres n'ont pas été abattus, ils sont partis en fumée : plus de 140 mille incendies ont ravagé la forêt l'année dernière, soit 42% de plus qu'en 2023 La violence des feux ne s'explique pas seulement par une sécheresse historique qui sévit au cœur de l'Amazonie depuis 2023. « Moins de 2% des incendies en 2024 ont été causés par la foudre. Par conséquent, 98 % des incendies étaient d'origine humaine, du jamais vu ! », s’exclame Carlos Nobre, membre brésilien du Giec et Prix Nobel de la Paix .À lire aussiBrésil: l'Amazonie enregistre son record de feux de forêt en pleine chute de la déforestation55% des surfaces brûlées dues à la pratique des brûlis dans l’élevage.« En Amazonie, les éleveurs de bétail utilisent le feu pour régénérer leurs pâturages. Parfois le feu s'échappe d'un pâturage et enflamme la forêt. Ça fait des décennies que ça dure », raconte Carlos Nobre. « Mais l'année dernière il y a eu beaucoup de départs de feu directement dans la forêt. Notre hypothèse c'est que c'est le crime organisé qui a décidé de mettre le feu. Le crime organisé est partout dans la forêt. Il est impliqué dans l'orpaillage clandestin, le marché foncier illégal, le trafic d'animaux sauvages. Toutes ces activités lui rapportent plus de 200 milliards de dollars par an. Donc nous pensons qu’une grande partie des incendies ont été déclenchés par le crime organisé. Et en raison de la sécheresse historique ces incendies se sont propagés très rapidement, et la superficie totale brûlée était très importante ».Le crime organisé veut faire échouer la lutte contre la déforestationPour Carlos Nobre, « le crime organisé veut faire échouer les politiques qui empêchent la déforestation. Aujourd'hui, la lutte contre la déforestation est largement facilitée par des satellites de surveillance. Déboiser une surface de forêt amazonienne, ça vous prend plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Assez de temps pour que le système satellitaire détecte ce que vous êtes en train de faire et envoie ces données aux autorités. C'est ainsi que des milliers de personnes ont été arrêtées en 2023 et 2024. Alors, le crime organisé a décidé de mettre le feu. Parce que les satellites de surveillance ne détectent un incendie que lorsque la surface brûlée est de plus de 30 mètres carrés, donc 2 heures environ après le départ du feu, ce qui laisse le temps aux criminels de partir en courant, sans que la police puisse les arrêter ».En 2024, plus de 7 millions d'hectares de l'Amazonie brésilienne ont succombés aux flammes, contre 1,6 millions l'année précédente. Ane Alencar, directrice scientifique de l'Institut de recherche environnementale de l'Amazonie (IPAM), rapporte qu’une grande majorité des départs de feu d’origine criminelle en 2024 ont eu lieu dans les 15 millions d'hectares de forêt publique qui n'ont pas été désignés par les autorités brésiliennes comme faisant partie d’une zone à usage spécifique, comme les parcs de conservation ou les territoires indigènes. « Ces zones de la forêt ont été envahies par des personnes qui y ont mis le feu afin d’installer des pâturages. Non pas pour y élever du bétail, mais pour revendiquer plus tard cette terre comme étant leur propriété. Leur objectif est donc la spéculation foncière ».À lire aussiLe sud-est du Brésil «en guerre» contre les incendiesLes incendies rendent la forêt plus vulnérableLes terribles incendies de l’année dernière ont fragilisé l’ensemble de l’écosystème. « Le feu ne fait pas partie des menaces naturelles dans une forêt tropicale. L'écorce des arbres est très fine », explique Ane Alencar. « Quand un feu se déclare, les arbres centenaires ne peuvent pas résister à la chaleur des flammes. Ils ne brûlent pas entièrement. Mais ils meurent et tombent. Dans leur chute ils écrasent d'autres arbres ce qui ouvre la canopée et laisse entrer plus de soleil ; ce qui prive la forêt de son humidité naturelle. Et la prochaine fois, quand un incendie se déclarera, ces surfaces déjà brulées bruleront de nouveau et même plus facilement. Parce qu'il y aura plus de matière organique au sol, et parce que cette matière sera plus sèche. Les prochains feux seront donc plus ...
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