Le détroit d’Ormuz est de nouveau sous haute tension. Après les frappes américaines sur des sites nucléaires en Iran, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a appelé Pékin à intervenir : selon Washington, la Chine devrait convaincre Téhéran de ne pas fermer ce couloir stratégique. Et pour cause : le détroit d’Ormuz est un point névralgique pour les approvisionnements énergétiques de la Chine. Éclairages.
Avec notre correspondante à Pékin,
C’est un passage clé pour les importations de pétrole dont la Chine dépend massivement. La Chine est le plus grand importateur mondial de pétrole et près de la moitié de ce pétrole vient du Moyen-Orient, de pays comme l’Arabie saoudite, l’Iran ou l’Irak.
Or, pour rejoindre la Chine, ce pétrole doit passer par le détroit d’Ormuz : un étroit passage maritime, coincé entre l’Iran et Oman, qui relie le golfe Persique à l’océan Indien. En un mot : ce détroit est petit sur la carte, mais immense par son impact sur l’économie chinoise.
Détroit bloqué ? La Chine subirait un choc énergétique majeur. D’abord, une interruption immédiate des livraisons de pétrole en provenance du Golfe. Ensuite, une hausse mondiale des prix du pétrole, qui ferait grimper les coûts pour l’industrie, les transports, l’électricité… avec un effet domino sur toute l’économie.
Cela pourrait entraîner un ralentissement industriel, une baisse des exportations et un risque de hausse de l’inflation. Pékin devrait puiser dans ses réserves stratégiques, mais celles-ci ne permettent de tenir que quelques semaines ou mois.
À lire aussiGuerre Israël-Iran: pourquoi bloquer le détroit d’Ormuz serait une décision très risquée pour Téhéran
Enfin, ce scénario mettrait en lumière la vulnérabilité structurelle de la Chine, qui dépend de routes maritimes qu’elle ne contrôle pas. D’où l’intérêt pour Pékin d’accélérer ses projets de routes alternatives, notamment via le Pakistan, la Russie ou l’Asie centrale.
Réactions internes D’un point de vue économique, une telle crise ferait grimper le prix du carburant, de l’électricité, des transports et pourrait peser sur le pouvoir d’achat, dans un contexte déjà fragile.
Le gouvernement chinois réagirait sans doute très vite, avec des subventions ciblées, des prix encadrés et l’activation de ses réserves stratégiques. Mais ce genre de choc pourrait aussi alimenter une prise de conscience plus large : celle de la dépendance énergétique.
Pékin en profiterait pour renforcer son discours d’autosuffisance : plus de renouvelables, plus de nucléaire, plus de projets « Made in China ».
Enfin, sur le plan politique, l’État chercherait à éviter toute panique : contrôle de l’information, appel au calme, et sans doute un récit très nationaliste autour de la résilience chinoise face aux pressions extérieures.
Répercussions géopolitiques Un blocus du détroit d’Ormuz forcerait la Chine à repenser sa stratégie globale. On verrait un rapprochement encore plus fort avec l’Iran et la Russie, qui fournissent du pétrole sans passer par Ormuz, et qui sont hors du giron occidental.
La Chine chercherait aussi à renforcer sa présence navale, notamment dans l’océan Indien, pour protéger ses routes commerciales. Parallèlement, la Chine chercherait à accélérer la construction de routes commerciales alternatives, comme le corridor Chine-Pakistan, afin de contourner Ormuz.
La Chine pourrait adopter une posture plus active sur le plan diplomatique : tenter de jouer les médiateurs au Moyen-Orient, afficher une image de puissance stabilisatrice.
À lire aussiLa Chine diversifie son approvisionnement de brut pour s'adapter aux sanctions
Si les États-Unis ou leurs alliés s’impliquent davantage militairement dans la région, les tensions sino-américaines risquent de se durcir, Pékin dénonçant alors la domination occidentale sur la sécurité maritime mondiale.